Quelle tristesse, mais quelle tristesse…
Je disais encore hier à une amie qu'il avait été et restera ma plus belle interview. De celles qui comptent. De celles qui marquent à tout jamais. De ces hommes qui ont du panache et de l'élégance. De ces hommes qui vous font rêver et qui aiment faire rêver les autres. Des hommes d'émotions et de partage.
Il m'avait donné rendez-vous à 8 heures du matin, dans le 17ème à Paris, dans les bureaux de sa maison de production "Galatée". Je ne sais pas pourquoi mais toutes les personnes qui m'ont donné rendez-vous tôt m'ont toutes marquée. Comme si la vie devait commencer dès potron minet et qu'il ne fallait surtout pas en rater une seule petite miette. J'étais honorée de le voir en vrai, moi qui l'avais tellement aimé en prince dans "Peau d'âne", en Maxence amoureux dans "Les demoiselles de Rochefort", dans "Le crabe tambour", et surtout Toto dans mon film préféré "Cinéma Paradiso"… cette scène finale des baisers coupés… je l'ai aussi tellement admiré pour ses documentaires-fleuves-poétiques "Microcosmos", "Le peuple migrateur". À l'époque, pas encore "Océans"…
J'arrive, il m'accueille très chaleureusement. Nous discutons à bâtons rompus, je le fais parler de Gene Kelly… Et là, devant mes yeux éblouis, il me recrée Rochefort, entièrement redécorée aux couleurs pastels, les playback dans les rues, et l'arrivée du maître de la comédie musicale, le meilleur danseur à mes yeux (quand j'irais là-haut si le paradis existe, je vous en supplie Dieu faites-moi danser avec Gene Kelly !!)… Mais revenons à Jacques. Je l'interview sur ses enfants, ses rêves, son enfance… pour le journal "Côté femme", mon article va être au top, je le sens. En plus, j'ai deux énormes pages pour m'étaler et raconter tout ! Mais nous sommes interrompus par les banquiers. Et oui, il cherche des crédits pour financer la fin de son projet fleuve "Le peuple migrateur", ce film incroyable, d'un nouveau genre. Ils ont même "acoquiné" les oiseaux, en étant là leur de leur éclosion pour êtes considérés comme leurs parents. Histoire de les approcher au plus près. Cela donne des images tellement belles, et c'est surtout raconté d'une manière si touchante… Il me dit que les banquiers, ce n'est pas ce qui le passionne le plus. Que ce qu'il aime, c'est donner du temps aux équipes, pour qu'elles puissent saisir la plus belle image. Alors, il veut bien se battre auprès des banquiers. J'ai tout ce qu'il faut pour mes deux pages, alors on se met à discuter de tout, de rien, mais surtout de tout. Et le voilà qui sort un livre pour me lire à haute voix un poème qu'il aime. Je suis triste de devoir le quitter, j'aimerais tellement prolonger ce moment hors du temps. Rare et précieux. En sortant des bureaux, je vole dans la rue, forte d'une magnifique rencontre. Je le reverrai. J'en suis sûre.
Festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo. J'ai repéré depuis l'annonce de la date qu'il sera là pour présenter son nouveau film que j'imagine déjà chef d'œuvre, "Océans". Le peuple migrateur, mais version mer. Avec des images de dingo pour l'époque, entre François Sarano et un requin blanc, qu'il caresse presque. Toute l'équipe va être là. J'ai booké la date. Et là, catastrophe, je dois garder les enfants pour cause de régates. Douche froide. Ce bateau, encore ce bateau… Qu'à cela ne tienne. Je ne vais quand même pas me priver de cette nouvelle rencontre dont je rêve. Il ne m'en faut pas longtemps pour trouver une soluce. Mais pas des plus aisées. Je loue une maison. Je prépare tous les repas du week-end. Et j'embarque mes trois gars (le dernier est encore en poussette, imaginez le truc, ils doivent avoir 5,4 et 16 mois !). Galère dans les travées du festival. Galère pour pouvoir bien suivre les conférences. Mais bon, en même temps, je me fais un peu remarquer. Je me consacre uniquement à toutes les tables-rondes autour du film. Signatures du livre… toute la journée du samedi, on enchaîne tous les quatre. J'ai ma robe rouge, ma robe porte-bonheur. Mon aîné a fait des dessins pour les donner à Jacques Perrin, des dessins trop mignons de dauphins. Il compte lui donner, mais Jacques ne vient que le soir pour la projection du film. Alors, on discute avec François Sarano, adorable, qui raconte en boucle sa rencontre avec le requin blanc, ses escapades avec les dauphins… devant trois paires d'yeux totalement ébahies. Jacques Cluzaud, le réalisateur, amène sa touche et remplit les anecdoctes de moults détails. Toute la journée, nous les suivons, de conférences en conférences et ils nous font des signes de la scène. "Ce soir, tu pourras donner tes dessins à Jacques, il sera content !".
Le soir, il est là. Les enfants sont impatients. Avant le film, le voilà qui monte sur scène pour expliquer ce que nous allons voir. François Sarano nous a repérés dans la salle. En redescendant de scène, il nous désigne : "regarde, ce sont les enfants dont je t'ai parlés tout à l'heure, des amoureux de l'océan". J'envoie mon plus beau sourire à François, le remercie infiniment. Et voilà Jacques Perrin, alors que tout le monde l'attend, qui s'assoit à côté de mon aîné. Il lui donne ses dessins et Jacques prend le temps de le remercier, le temps de l'écouter. Enfin, il n'écoutera pas grand chose car mon fils est bouche bée et ne pourra sortir un mot. Il réussira tout de même à lui tendre son livre pour une belle dédicace… Une rencontre magique, à tout jamais gravée. J'ai le temps de lui glisser que je garde un magnifique souvenir de mon interview, nous échangeons deux trois mots et il repart…
Merci cher Jacques, pour tout ce que vous nous avez offert, pour tous les rêves réalisés, pour tous les beaux moments de cinéma partagés, pour Océans et le Peuple Migrateur, films cultes de la famille, merci d'avoir pris le temps de répondre à un enfant qui se souvient pour la vie de ce moment privilège. C'est exactement cela que je veux faire vivre à mes enfants. Leur faire rencontrer toutes les formidables personnes que j'ai la chance de côtoyer dans mon travail passion, leur faire vivre des moments d'exception, des moments privilèges, des moments de grâce, et marcher aux côtés de toutes ces personnes qui savent animer les rêves.
J'avais titré mon article "Capitaine au long rêve"… Reposez en paix cher capitaine, vous allez sacrément me manquer. Sacrément.
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