13 novembre 2025 @ Des vivants…

10 ans déjà. Pour commémorer les événements de novembre 2015, le service public propose une fiction intense, forte, bouleversante, douloureuse et délicate à la fois. Ils sont sept parmi les onze personnes retenues en otage au Bataclan à nous embarquer dans leur histoire. La série de huit épisodes commence le jour même de l'attaque, avec des personnes ensanglantées, tremblantes, errant à la sortie de l'épreuve indicible, perdues parmi les blessés, blessées parmi les vivants. Visages au regard sans but, corps emmitouflés de couverture de survie. Après une nuit d'horreur, l'après immense trauma commence déjà.

Et c'est cet "après" que le réalisateur Jean-Xavier de Lestrade a choisi de raconter. En ayant fait un travail minutieux de documentariste (domaine où il excelle) auprès des sept vrais otages qui ont été largement impliqués pour raconter leur parcours, il narre, jour après jour, mois après mois, année après année, le lourd travail de reconstruction de chacun. Chacun avec ses propres traumas, ses propres histoires, son passé… et son avenir ayant du mal à se dessiner. Certains vont reprendre le travail quasiment le lendemain, se blinder, comme un acte de survie. D'autres vont se réfugier longtemps dans leur chambre, sous leurs draps, en arrêt brutal… des psychologues hors pair, des associations, vont les écouter, les épauler… L'entourage va faire se qu'il peut, maladroitement, quelquefois brutalement, essayer de comprendre, trop, pas assez… les douleurs, les souffrances, les doutes, les nuits dans fin… le dialogue est compliqué, quasi impossible.

Alors, l'un d'entre eux va chercher à contacter les autres otages de ce couloir où ils ont été détenus pendant deux heures vingt, avant d'être libérés par les membres de la B.R.I. Et les trouver ! Petit à petit, les rendez-vous réguliers dans un café vont se transformer en autant de moments hors du temps. Revivre les longues minutes, les préciser, les détailler, les analyser, se souvenir du rôle de chacun, avouer ses zones d'ombre… Eux, seuls, peuvent finalement se comprendre et parler de tout ce qu'ils vivent librement. Se surnommant "les potages" (contraction de "potes" et "d'otages"), ils vont entreprendre, ensemble, malgré leurs différences, malgré les nombreux obstacles, une reconstruction fragile au départ, mais qui prendra de plus en plus de sens. Se soutenir, s'épauler, se prendre dans les bras, se serrer. Partager les souffrances et les errances.

Les acteurs sont tous absolument justes et formidables. Petit coup de coeur pour le couple formé par Benjamin Laverhne (Arnaud) et Alix Poisson (Marie), qui réagissent chacun à l'opposé, mais décident de continuer de s'aimer malgré tous les obstacles qui apparaissaient infranchissables. Mais aussi pour Thomas Goldberg (David), Antoine Reinartz (Grégory), Cédric Eeckhout (Stéphane)… Un casting des plus réussis, empli d'authenticité.

On pleure. Beaucoup. On rit aussi. Fou rire d'ailleurs quand l'une d'entre eux raconte qu'elle a tenu en se disant "je ne vais quand même pas mourir ici, à cause de deux gars en jogging" ! La délicatesse de la compréhension de la psychologie de chacun, le soin apporté à la réalisation, malgré des scènes éprouvantes, notamment dans l'épisode 7 qui montre l'assaut, font de cette série, non seulement l'évocation indispensable d'un pan de notre histoire commune, même si elle est encore à vif, mais aussi le récit d'une formidable aventure humaine universelle. Comme le précise d'ailleurs Jean-Xavier de Lestrade : "C'est aussi tous les gens qui ont dans leur vie rencontré une forme de violence et qui, après, doivent vivre avec cette violence où l'on vous a réduit à l'état de "chose". Cela salit en profondeur. Pour en sortir après, il n'y a pas de mode d'emploi. Mais ensemble, on peut surmonter ces choses-là. C'est le message le plus fort de la série, celui qui donne l'espoir le plus grand".

"Un récit collectif aux vertus réparatrices". Pour se réparer ensemble. Car ensemble, on peut tout surmonter. Assurément le plus beau message de cette série événement qui bouleverse profondément.

"Des vivants", disponible sur la plateforme de francetv.