
Petit matin. Pour un reportage, un ami est venu me chercher en camion. Comme mon nouveau quartier est faible en stationnement, il s'est garé sur le trottoir. À ce moment-là, une jeune fille est passée juste à côté en pressant le pas. Il était vraiment étonné de sa réaction. Je l'ai regardé : "mais elle a eu peur en fait !" "Peur ?? Vraiment ?? " "Bah, oui, elle a eu peur de toi ". "Mais de quoi ?" "Bah que tu l'agresses, que tu lui sautes dessus…" "Mais c'est horrible !" Il était à deux doigts d'aller lui parler. "Pas la peine, elle est rassurée maintenant, elle s'est retournée et a vu que tu discutais avec une femme". Source de danger écartée. Passe à la suivante… Dis-toi qu'au moins, je te comprends.
Les hommes gentils et courtois (oui, oui, il en existe PLEIN !) sont toujours étonnés de découvrir que oui, les femmes qui marchent seules en ville ont souvent peur, qu'on se sent des proies plusieurs fois par semaine, le matin, le soir, plusieurs fois par jour même. Ils l'ont découvert avec Me too, mais ils ont toujours du mal à le réaliser… Qu'on a toujours les yeux, les sens aux abois, qu'on choisit nos chemins en fonction des points supposés chauds, des réverbères qui ne marchent pas et que les pas qui résonnent derrière nous dans la nuit sont toujours une source d'angoisse…
Depuis que je suis de nouveau seule, je retrouve les joies de marcher seule en ville… et bien, c'est pas toujours la joie ! Je pensais que mes cheveux argentés m'affranchiraient de tout ce harcèlement, des mecs qui vous envoient alors que vous êtes peinarde sur un banc en train de bouquiner un super livre romantique (cela m'est arrivé hier)… "hé, t'es belle, tu viens, tu veux du sexe ?"… bah non, comment te dire, en fait là j'ai juste envie de déguster mon livre rempli de délicatesse et d'amour… tu me fais suer là. J'ai juste envie de te dégommer. Mais je ne dis rien. Evidemment. Au cas où tu te rapprocherais… et que tu aurais une arme dissimulée sous ta veste.
"Et bien les filles, il va falloir prendre des cours de self défense". Bah non justement, j'ai pas envie. Je fais du yoga et de la marche et de la nage et de la chorale. Et le reste du temps, j'aime, je me balade le nez au vent (en ce moment les glycines sont divines !), j'écris et je me passionne. J'ai pas le temps pour le self défense. Et surtout, c'est prendre le problème à l'envers. Le problème ce ne sont pas les femmes qui rentrent chez elles, ce sont ces mecs qui prennent les femmes pour au mieux de la viande, au pire pour de la merde (et je ne dis pas ce que je pense vraiment, c'est trop vulgaire). Tous ceux qui se collent à nous dans le métro, en boîte comme des rideaux de douche (beurk trois fois beurk !). Ces mecs qui font des gestes obscènes depuis leur voiture (certains mecs la voiture ça leur donne le pouvoir qu'ils n'ont pas dans le quotidien). Vous vous souvenez de Thelma et Louise ? Des fois, comme elles, j'ai envie d'enflammer leur camion avec un gros flingue… mais bon, je n'ai plus de voiture (pas de flingue non plus), ça m'arrive moins. Mais j'ai connu des voitures qui me doublaient en me klaxonnant. Moi, naïvement, je croyais que j'avais un pneu dégonflé, une porte mal fermée… je m'arrêtais. Et non, rien. En fait le mec il voulait juste se faire mousser…
Et vous allez où vous quand vous voulez juste danser vous ? J'ai envie de danser pas de "pêcho" (quel mot délicieux encore !), je n'aime pas "pêcho", je n'ai pas envie de "pêcho", je n'ai pas envie d'être "pêcho", j'ai toujours eu horreur de ça… de ce genre de rapports, je veux juste balancer mon cuerpo et m'amuser ! J'ai trouvé la soluce : dans ma cuisine, sur mon balcon, dans la rue avec mes écouteurs… je préfère être perçue comme une dingo dans ma bulle que comme de la viande.
Mais je veux juste dire aux gentils que oui, vraiment, on aimerait bien que vous nous disiez "je te ramène chez toi, t'inquiète, ce soir, tu n'auras pas peur". Que ce n'est pas une faiblesse, mais juste de l'entraide entre humains civilisés contre les débiles tarés. Cela m'est arrivé plusieurs fois, des gentils jeunes hommes m'ont ramenée chez moi pour ne pas que je tremble. En s'excusant pour tous les autres hommes. La classe. Et les autres… et bien allez vous faire dégommer.
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